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18 mars 2016
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« Droit à indemnisation du conducteur victime »

 

Accident de la circulation et faute du conducteur victime

Le 2 avril 2013, un accident de la circulation survient entre une automobile et une motocyclette.

Mr Z., conduisant son véhicule automobile, effectue un demi-tour de nuit : il met son clignotant et s’arrête pour vérifier qu’il n’y a personne puis redémarre. Apercevant une motocyclette, conduite par Mr Z., qui roule à 50km/h, Mr Z. freine brusquement : s’il empiète un peu sur la voie la plus à gauche, il laisse l’autre voie libre. Selon la Cour d’appel de Metz, par arrêt du 14 novembre 2014, il a « pris toutes les précautions nécessaire et n’a pas commis d’infraction à la législation  sur la circulation routière ».

Le motard,  Mr R., quant à lui, freine aussi en urgence mais percute le véhicule arrêté. Selon un témoin, la moto a chassé de l’arrière et heurté l’avant droit du véhicule avec son côté gauche. Le conducteur de la motocyclette est blessé.

La Cour d’appel de Metz refuse d’octroyer la moindre indemnisation au motard qui a pourtant subi  de multiples blessures « il ressort donc de l'examen du dossier et des pièces versées que nonobstant l'implication du véhicule de M. Z. dans l'accident M. R. ne rapporte pas la preuve de la commission par M. Z. d'une faute civile distincte de celle objet de la prévention ; qu'en revanche il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la faute de M. R. est la cause exclusive de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 ; que, dès lors, il ne peut prétendre à une quelconque indemnisation; que ses demandes formées à l'encontre de M. Z. tendant à obtenir la désignation d'un expert et le versement d'une provision ne peuvent être que rejetées».

La victime se pourvoit en cassation; « en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. Frédéric R. tendant à faire reconnaître son droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi lors de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 et d'en mettre la réparation à la charge de M. David Z. “aux motifs que l'appelant, compte tenu de la relaxe intervenue au profit de M. Z. se doit de rapporter la preuve d'une faute civile commise par ce dernier et différente de celle objet de la prévention ; que l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes des accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et applicable en l'espèce prévoit que la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subi… »

L’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 février 2016 n°15-80.705 casse l’arrêt de la Cour d’appel de Metz:

« Mais attendu qu'en statuant ainsi, en exigeant de la victime qu'elle rapporte la preuve d'une faute de l'autre conducteur impliqué dans l'accident de la circulation, alors qu'il lui appartenait, en faisant abstraction du comportement du conducteur impliqué dans l'accident, de rechercher si la victime avait commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé » ( articles 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, principe : lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice)

« D'où il suit que la cassation est encourue ; CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 14 novembre 2014, mais en ses seules dispositions ayant énoncé que la faute commise par M. R. est la cause exclusive des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 et déclaré mal fondées les prétentions formées par M. R., toutes autres dispositions étant expressément maintenues »

 La décision de la Cour de cassation applique une jurisprudence constante: la décision de la Cour d’appel de Metz était surprenante  dans la mesure où, s’appuyant sur la faute exclusive du conducteur victime pour lui refuser une indemnisation, elle  lui demandait de démontrer la faute civile de l’autre conducteur alors  que selon les jurisprudences actuelles, la seule faute recherchée pour limiter ou exclure le droit à indemnisation de conducteur victime est sa propre faute que le juge doit lui - même rechercher.

Recherche de la cause exclusive de l'accident: évolution jurisprudentielle

À l’origine, la Cour de cassation considère que la faute du conducteur-victime permet d’exclure son droit à indemnisation lorsqu'elle est la cause exclusive de l'accident (Cass. 2e civ., 29 janv. 1986, n° 84-15.095) (Cass. 2e civ., 24 nov. 1993, n° 92-12.350). Il doit prouver la faute de l’autre conducteur s’il souhaite être indemnisé (cass 2e civ 29 janvier 1997 n°95-10.459).

Le juge a un pouvoir souverain d'appréciation pour limiter ou exclure ce droit à réparation (Cass. 2e civ, 15 janv. 1997 n°95-15.506 ; Chambre mixte de la Cour de cassation ,28 mars 1997, n° 93-11.078, extrait :" Attendu que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure".)

À qui la faute ?

La Haute juridiction exclut le comportement de l’autre automobiliste pour déterminer la faute : “alors que les juges devaient, abstraction faite du comportement de l'autre conducteur dont le véhicule était impliqué dans l'accident, rechercher si (le cyclomotoriste) avait commis une faute qui était de nature à limiter ou à exclure son droit à indemnisation”(Cass. 2e civ., 28 janv. 1998 n° 96-10.45, 96-13.596, 96-19.336, 96-14.849, Cass. 2e civ., 20 juin 2002,  Cass. crim., 31 mai 2005 ; Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 Juin 2015, N° 14-20.672, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 Décembre 2014, N° 14-81.244 ;2e civ., arrêt, 16 janv. 2014, n° 13-12.771,Cass. 2e civ, 3 oct. 2013, n° 12-24.758)

Evolution favorable au droit à réparation du conducteur victime

Le droit à réparation de la victime conductrice est renforcé dans la mesure où le juge recherche aujourd’hui, au-delà de la faute, un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Deux décisions de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 avril 2007 (n° 05-81.350 et n° 05.15-950) ont marqué cette évolution jurisprudentielle où le juge va rechercher si la faute exclusive du conducteur victime a contribué à son dommage pour exclure ou limiter son droit à indemnisation.

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