Selon l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d' indemnisation dite « Loi Badinter » :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident. Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'inva-lidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résul-tant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis. Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »
Selon la jurisprudence, est inexcusable, au sens de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, la faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
Le 15 février 2012, une jeune femme de 32 ans, assise à l’arrière d’un taxi qui circulait sur l’autoroute à 90km/h, ouvre brutalement la portière coulissante, bascule de tout son poids sur la chaussée et se blesse grièvement. L’assureur refuse de prendre en charge le sinistre et invoque pour cela la faute inexcusable de la victime sur le fondement de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985.
La victime et sa famille assignent l’assureur en indemnisation de leurs préjudices.
Par arrêt du 10 décembre 2015 de la Cour d’appel de Chambéry, l’assureur est condamné à réparer l’intégralité des préjudices subis par la victime et ses proches. La Cour d’appel estime que la victime était, au moment de l’accident, dans « un état de confusion mentale ou à tout le moins d’absence momentanée de discernement privant sa faute de caractère volontaire permettant de la qualifier d’inexcusable ».
L’assureur se pourvoit en cassation, il récuse cette décision soulevant, entre autre, des preuves insuffisantes pour exclure la faute inexcusable de la victime afin de voir reconnaître la responsabilité de la victime et voir exclue sa condamnation.
Par arrêt du 2 mars 2017 n° 16-11.986, la Haute juridiction rejette le pourvoi :
« Mais attendu qu’ayant relevé que, d’abord, selon la mère de Mme E .X..., celle-ci avait souffert en 2001 puis à nouveau en 2011 de crises de “bouffées délirantes”, qu’ensuite, selon le témoignage de Mme I .X...(sœur), corroboré par ceux de sa mère et de son frère aîné, Mme E.X... avait, durant les deux jours passés à l’hôtel à Val Thorens, manifesté de manière de plus en plus caractérisée des signes d’une nouvelle crise : nombreux réveils au cours de la nuit en tenant des propos confus, état de prostration et impossibilité de dialoguer avec elle, ce qui avait rendu nécessaire son examen par un médecin qui lui avait donné du Tranxène, qu’enfin, Mme I.X... avait ajouté que, dans le taxi emprunté pour quitter la station, il lui était apparu que l’état de sa sœur se dégradait, celle-ci ayant les yeux révulsés, la tête enfoncée dans sa capuche et ne répondant à aucune question, et qu’après l’entrée sur l’autoroute, elle avait dit avoir besoin d’air, avait ouvert brusquement la porte du véhicule et avait basculé sur la chaussée, c’est par une appréciation souveraine que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait de ne pas retenir et qui n’a ni dénaturé la pièce visée par la cinquième branche du moyen, ni inversé la charge de la preuve, a estimé que Mme Eglantine X... était dans un état de confusion mentale ou, à tout le moins, d’absence momentanée de discernement au moment de l’accident, ce dont elle a exactement déduit que celle-ci n’avait pas commis de faute inexcusable ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision (…) »
La Cour de cassation rappelle le principe de la libre appréciation des éléments de preuve des juges. La décision est favorable à la victime qui verra confirmé, sans limitation, son droit à la réparation intégrale de ses préjudices.