Un arrêt du 1er septembre 2015 n°14-82251 opère un revirement récent en matière d’indemnisation des victimes : selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, la prestation de compensation du handicap (PCH) n’est pas déductible du montant de l’indemnisation due par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) dans la mesure où il n’y a pas d’action récursoire contre la personne tenue à la réparation du dommage ou contre son assureur mentionnés aux articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985.
Une personne est victime d’un accident de la circulation le 23 mars 2005. Le responsable est reconnu coupable de blessures involontaires et déclaré tenu à réparation intégrale du préjudice corporel. Le tribunal statue sur les préjudices de la victime mais met hors de cause la compagnie d’assurance du responsable. La victime et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) –système de solidarité qui intervient subsidiairement quand le responsable de l’accident n’est pas assuré ou est inconnu- relèvent alors appel de cette décision.
Le 11 septembre 2013, la Cour d’appel de Bastia confirme le jugement quant à la mise hors de cause de l’assurance et déclare que « la prestation de compensation du handicap versée par le conseil général ne pouvait être prise en compte dès lors qu'elle n'entre pas dans la catégorie des prestations ouvrant droit à action contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur mentionnées aux articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985 ».
Par son pourvoi en cassation, le FGAO conteste la décision au motif que son intervention est subsidiaire, qu'il « n’a vocation à payer que les indemnités qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre ; que la prestation de compensation du handicap susceptible d’être servie à raison des frais de tierce personne constitue une indemnisation à un autre titre du poste de préjudice lié à ces frais ; que cette prestation doit donc être déduite, le cas échéant, de l’indemnité mise à la charge du Fonds de garantie, y compris pour ce qui concerne les frais futurs ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
La Haute juridiction décide:
« Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen, dès lors que si la prestation de compensation du handicap définie aux articles L. 245-1 et suivants du Code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 constitue une prestation indemnitaire, il résulte des articles L. 421-1 du Code des assurances et R. 421-13 du même code définissant les obligations du FGAO que la déduction des versements effectués par des tiers payeurs est subordonnée à l'existence d'une action récursoire contre le responsable du dommage ;
D'où il suit que le grief doit être écarté (...). »
Si une décision de principe de la 2ème chambre civile en date du 16 mai 2013 n° 12-18.093 reconnait le caractère indemnitaire de la PCH entrainant sa déduction de l’indemnisation de la victime par le FGAO, l’arrêt de septembre 2015, qui lui reconnait également un caractère indemnitaire, n’admet pas sa déduction au motif qu’il n’y a pas d’action récursoire contre le responsable du dommage ou son assureur. La Haute juridiction ne se base plus sur le caractère de la PCH pour imputer l’indemnisation mais sur les textes législatifs. Un arrêt du 2 juillet 2015 n° 14-19797 allait déjà en ce sens. Ainsi la déductibilité de la PCH dépend de l’existence d’une action récursoire du conseil départemental prévue par la loi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.