Le 11 juin 2012, une femme de 69 ans est victime d’un accident mortel : elle est heurtée par un TGV circulant à 135 km/h alors qu’elle traversait les voies en gare sur un passage aménagé pour piétons.
Un jugement de 2017 déclare la SNCF Mobilités entièrement responsable de l’accident ayant causé le décès de la victime. La SNCF est tenue de réparer l’intégralité des conséquences dommageables et doit verser diverses indemnités aux enfants de la défunte, victimes par ricochet.
La responsabilité de la SNCF avait été recherchée suite au dommage causé par un défaut d’entretien ou un mauvais fonctionnement de l’infrastructure ferroviaire, il s’agissait d’une responsabilité de plein droit en qualité de gardien du train, instrument du dommage.
Le tribunal retient la responsabilité de la SNCF sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1du Code civil nouvellement 1242 alinéa 1, la faute de la victime présentant les caractères de la force majeure et tout partage de responsabilité ayant été écartés.
La SNCF interjette appel du jugement. Elle conteste sa responsabilité.
La SNCF reproche un comportement fautif de la victime ayant revêtu le caractère de la force majeure ou à défaut étant de nature à réduire son droit à indemnisation et par voie de conséquence celle des victimes indirectes, à hauteur des deux tiers.
La SNCF rappelle que la gare est dépourvue de la présence permanente d’agents SNCF en raison d’une faible fréquentation des voyageurs et du nombre de trains en circulation; que l’implantation d’un passage planchéié avec un pictogramme est conforme à la réglementation et qu’aucun texte réglementaire n’impose la mise en œuvre d’un avertissement sonore en complément de l’allumage des pictogrammes.
Elle considère qu’il n’y a aucun lien de causalité entre l’implantation d’une bande de compostage unique à l’entrée de la gare et l’accident puisque la victime n’a pas traversé pour composter son billet mais d’après les témoins pour demander une cigarette. Elle estime le comportement de la victime anormal nerveux et irrespectueux de la réglementation : elle le qualifie d'imprévisible et d' irrésistible.
Selon le SNCF, la signalisation de la gare fonctionnait parfaitement le jour des faits. La SNCF allègue une faute d’inattention de la victime à l’origine exclusive de l’accident car si elle avait respecté l’interdiction de traverser les voies par la R412 – 41 du code de la route, matérialisée par des pictogrammes lumineux rouges, l’accident ne serait pas arrivé.
Par arrêt du 23 janvier 2020 numéro 18/00107 la cour d’appel de Paris confirme la responsabilité de la SNCF Mobilités. La SNCF ne démontre aucune faute de la victime: ni imprudence, ni un comportement inhabituel. Elle ne rapporte pas non plus la preuve que le feu clignotait.
« Or la SNCF Mobilités, à qui incombe la charge de la preuve d’une faute de la victime, ne démontre pas au vu des seules pièces versées aux débats que Nadine M. n’aurait pas respecté l’interdiction de traverser qui résultait de la présence de signaux lumineux clignotants sur les quais et de part et d’autre du passage planchéié. (…)»
« L'enquête n'a pas permis de recueillir un témoignage concernant l'activation des feux rouges clignotants ayant précédé l'arrivée du TGV en gare de(…) »
L’arrêt confirme donc le jugement selon lequel :
« La présence de leur mère sur le passage planchéié ne constitue pas un événement de force majeure n’étant ni extérieur au débiteur de l’obligation de sécurité ni imprévisible et irrésistible ; surtout que si un avertissement sonore avait eu lieu préalablement passage du TGV, elle n’aurait jamais entrepris de traverser les voies. »
Extrait : «PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny,
(…) »
Les victimes ont signalé, dans leurs demandes, la dangerosité des lieux en précisant qu’ il faut traverser les voies pour se rendre d’un quai à l’autre et qu’il n’existe qu’une seule bande de compostage qui impose donc d’emprunter le passage planchéié, en l’absence de passage souterrain ou de passerelle.
De plus, la signalisation est très insuffisante puisque les pictogrammes lumineux matérialisant l’interdiction de traverser ne sont pas fixes mais clignotent à intervalles longs ; que si au départ du TER, le danger disparaît et le pictogramme s’éteint, rien n’avertit les usagers qu’un TGV va entrer en gare. De surcroît, le TGV n’est pas annoncé par un moyen sonore et le conducteur du TER, sans doute informé du passage du TGV, aurait pu faire une annonce sonore en demandant aux usagers de s’éloigner de la bordure du quai.
Source: Lexis Nexis