Le 21 octobre 2012, le conducteur d’un véhicule roulant sur l’autoroute détecte une panne mécanique. Il décide de s’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence. Il allume ses feux de détresse mais omet d’assurer la pré signalisation de son véhicule. Il s’installe à l’arrière du véhicule en attendant les secours et s’assoupit.
Un autre véhicule, dont le conducteur s’est endormi, vient le percuter. Le choc occasionne de très sévères blessures à la victime demeurée dans le véhicule stationné.
La victime obtient une indemnisation en 1ère instance. La Cour d’appel de Colmar le 13 mars 2015 confirme cette décision qui reconnaît le droit à réparation intégrale du préjudice de la victime.
Le conducteur responsable de l’accident, se pourvoit en cassation afin de faire constater la qualité de conducteur de la victime. L’enjeu était d’obtenir un partage des responsabilités afin de diminuer l’indemnisation due au blessé.
Pour rappel, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 est destinée à améliorer la situation des victimes d’accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur et à accélérer les procédures d’indemnisation.
Selon l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident (…)».
La victime d’un accident de la circulation doit seulement prouver l’implication du véhicule. C’est au gardien du véhicule impliqué d’apporter la preuve que la victime avait la qualité de conducteur si elle veut faire reconnaître une limitation de responsabilité au sens de l’article 4 de la loi du 5 juillet1985.
Le sort du conducteur-victime est donc différent car il peut se voir opposer une faute pour réduire son droit à réparation si cette dernière a joué un rôle causal dans l’accident.
Le conducteur condamné au fond essaye ainsi de remettre en question la qualité de passager de la victime, évoquant la possibilité que les secours l’aient déplacé de l’avant à l’arrière lors de la désincarcération. Cet argument ne convainc pas les juges, faute de preuve : « que force est de constater que l’appelant n’a pas rapporté la preuve que M. Y...se trouvait au volant de son véhicule au moment du choc et qu’il avait la commande et la maîtrise de celui-ci, sa démonstration reposant uniquement sur des hypothèses ou des déductions non étayées par des éléments objectifs ».
Par arrêt du 31 mai 2016 n°15-83625, la Chambre criminelle de la Cour de cassation décide :
« Attendu qu’en statuant comme elle l’a fait, et dès lors qu’il résulte de ses constatations souveraines que la victime, qui avait quitté les commandes de son véhicule, dont elle n’a donc pas gardé la maîtrise, n’en était pas le conducteur lors de l’accident au sens de la loi du 5 juillet 1985, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ».
Cette décision confirme la jurisprudence selon laquelle le conducteur est celui qui au moment de l’accident dispose des pouvoirs de commandement du véhicule et qui en garde la maîtrise.
Il aurait fallu, pour réduire ou supprimer le droit à indemnisation de la victime, que sa faute soit volontaire ou inexcusable et surtout qu'elle soit la cause exclusive de l’accident. Le fait d’être resté dans le véhicule, sans pré signalisation ne constituent pas une faute, cause exclusive de l'accident par la victime :« les fautes alléguées par le prévenu (…) sont en définitive indifférentes, dès lors qu’elles ne constituent pas la cause exclusive de l’accident ; que, par conséquent, M. X... est déclaré intégralement responsable du préjudice subi par M. Y.. »
Cette décision reconnait le droit à la réparation intégrale du préjudice de la victime qui s’est réfugiée à l’arrière de sa voiture en panne au bord de l’autoroute et reconnait que la personne qui s’endort à l’arrière de son véhicule en attendant la dépanneuse n'en est plus la conductrice.