Le « side-car » est un terme anglo-saxon qui se traduit par « voiture de côté ». Il désigne une motocyclette à laquelle un habitacle latéral muni d’une roue est ajouté et qui permet d’accueillir un ou plusieurs passagers.
Le 13 mai 1999, lors d’une compétition de side-car cross organisée par une Union de motocyclistes, un véhicule quitte la piste. L'occupant de l'habitacle est grièvement blessé. Il assigne en réparation de son préjudice corporel le conducteur du véhicule, son assureur et l’Union de motocyclistes.
La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 9 mars 2015, déclare le conducteur entièrement responsable du dommage causé à la victime.
Le responsable, l’assureur et l’Union de motocyclistes se pourvoient en cassation.
Ils contestent le fait que le conducteur ait été condamné à porter l’entière responsabilité du dommage, en violation de l’article 1384 al. 1 du code civil. Selon eux, cette responsabilité devait être partagée avec le "singe" (coéquipier victime, passager du side-car) qui dispose d'un pouvoir d’équilibrage et de direction du véhicule. Ils invoquent également l’acceptation des risques de ce compétiteur comme cause exonératoire de la responsabilité de plein droit du gardien de la chose.
La Cour de cassation, par arrêt du 14 avril 2016 n°15-17.732, rejette les 2 moyens du pourvoi :
«Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'un side-car cross n'avait pas deux pilotes mais un pilote et un passager, appelé « le singe », qui formaient un équipage ; que si l'action, acrobatique, du passager avait pour objectif de corriger la trajectoire de l'engin, notamment dans le franchissement des bosses et des virages, et de le rééquilibrer afin de lui permettre d'atteindre une vitesse et une trajectoire optimales, celle du pilote, déterminante, consistait à diriger la machine ce qui impliquait la maîtrise de la vitesse, du freinage et du braquage de la roue avant en fonction de la direction qu'il choisissait ; que le pilote pouvait utiliser le véhicule sans être assisté par le passager alors que l'inverse était impossible ; que le pilote, dont le rôle était prépondérant dans la conduite du side-car cross, et le passager ne disposaient pas de moyens identiques de direction et de contrôle de ce véhicule ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a exactement déduit que M. X... avait été le seul gardien du side-car cross ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; (…)
Mais attendu que la victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques ; qu'ayant retenu que le pilote du side-car cross en avait la garde de sorte que M. X..., en sa qualité de gardien, devait être déclaré responsable des dommages subis par M. Y... son passager, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; »
La jurisprudence considère en général que la garde est partagée si les personnes disposent d’un pouvoir identique sur la chose. Si une personne a un pouvoir de direction et de contrôle prépondérant, alors il en est le gardien dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’article 1384 al. 1 du code civil.
Ainsi, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 9 mai 1990 n°89-11.428 avait jugé le propriétaire « skipper » d’un voilier, participant à une régate, dont le naufrage n’avait laissé aucun survivant, entièrement responsable du dommage causé aux héritiers et ayants droits de l’équipage (contrairement à la Cour d’appel qui avait retenu la notion de co-gardiennage entre le skipper et l'équipage afin de les débouter de leur demande en indemnisation).
« Qu'en déduisant d'une activité coordonnée et d'ensemble que la garde du navire était commune à tous les membres de l'équipage lors du naufrage, alors qu'elle constatait que M. X..., marin particulièrement qualifié, était le " skipper " et le propriétaire de la chose instrument du dommage et qu'elle relevait que le rôle de chacun des équipiers au moment de l'accident était resté totalement ignoré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »
L'arrêt du 14 avril 2016 statue en ce sens sens: la Haute juridiction confirme la décision de la Cour d’appel de Paris. Elle estime qu’il n’y a qu’un seul pilote et gardien du side-car à même de le contrôler et de le diriger, ce dernier "ayant seul la maîtrise de la vitesse, du freinage et du braquage de la roue, pouvant utiliser le véhicule sans être assisté par le passager alors que l’inverse était impossible" ; le « singe » n’est envisagé que comme simple passager.
Elle confirme également la tendance actuelle des juridictions à écarter la théorie de l’acceptation des risques qui permet de limiter la responsabilité de l'auteur du dommage corporel en matière sportive, dans la continuité d’arrêts récents comme celui du 2 juillet 2015 n°14-19.078 et du 21 mai 2015 n° 14-14.812.
Pour approfondir, lire notre brève sur l’indemnisation des accidents de sport