Lors d’une compétition de grass track (course de moto), organisée le 28 juillet 2007 par une association sportive, un jeune pilote, alors mineur, chute. Après s’être relevé, il est heurté par un autre participant à la course. Suite à cet accident, il devient paraplégique. Il assigne alors, avec ses parents, le gardien du véhicule en responsabilité sur le fondement de l’article 1384 al 1 du code civil et l’association organisatrice de la manifestation sportive sur le fondement de l’article 1147 du code civil pour manquement à son obligation contractuelle de sécurité (ils ont le même assureur).
Par un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 30 avril 2014, ces derniers sont condamnés à indemniser l’entier préjudice de la victime et à verser une indemnité provisionnelle de 150 000 € au titre de la responsabilité du pilote, en tant que gardien de la moto, en vertu de l’article 1384 alinéa 1 du code civil. Par même arrêt, la Cour diligente une expertise médicale de la victime.
La responsabilité contractuelle de l’association est retenue pour manquement à son obligation contractuelle de sécurité car elle aurait dû éclairer convenablement la piste dévolue à la compétition qui se déroulait de nuit.
L’assureur et le pilote responsable de l’accident se pourvoient en cassation, plaidant la théorie de l’acceptation des risques afin d’être exonérés de toute responsabilité.
Décision de l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 2 juillet 2015 n°14-19078
Concernant le manquement à l’obligation contractuelle de sécurité, la Haute juridiction affirme qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les moyens « qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Notamment, que l’accident était intervenu la nuit entre 22h et 22h30 et que personne ne conteste que l’éclairage fût insuffisant et le manque de visibilité certain.
Quant à la responsabilité du pilote, elle est confirmée par la Cour de cassation : « la victime d’un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l’article1384 alinéa 1er du code civil à l’encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques ».
Cette jurisprudence s’inscrit dans la continuité des décisions rendues depuis un revirement opéré par la Haute juridiction dans un arrêt du 4 novembre 2010 n°09-65947. Ce dernier a étendu le rejet de la théorie de l’acceptation des risques aux sports mécaniques : « attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que l'accident est survenu entre des concurrents à l'entraînement, évoluant sur un circuit fermé exclusivement dédié à l'activité sportive où les règles du code de la route ne s'appliquent pas, et qui avait pour but d'évaluer et d'améliorer les performances des coureurs ; que la participation à cet entraînement impliquait une acceptation des risques inhérents à une telle pratique sportive.(…) Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Elle a ensuite confirmé sa position dans un arrêt du 12 avril 2012 n°10-20.831 et dans une décision récente de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 21 mai 2015 n° 14-14.812 : l’acceptation des risques ne fait pas obstacle à l’application de l’article 1384 alinéa 1 du code civil. Cette décision va encore plus loin en terme de responsabilité car elle impose une obligation de sécurité de résultat de la part de l’organisateur d’un rallye, alors qu’en principe les décisions s’attachent à une obligation de sécurité de moyens, comme en l’espèce.
Cette jurisprudence, favorable à l’indemnisation des victimes de dommages corporels est toutefois limitée depuis la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 (loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles) dont l’article L 321-3-1 (code du sport) neutralise l’application de l’article 1384 alinéa 1 uniquement à l’égard des « dommages matériels » : « Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article 1384 du code civil, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d'une manifestation sportive ou d'un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique ».
Néanmoins, le fait que les compétiteurs puissent bénéficier partiellement du régime général de la responsabilité en matière sportive est une évolution favorable. Avant 2010, les recours contre les coparticipants aux manifestations sportives restaient difficiles à établir en raison de cette théorie de l’acceptation des risques qui limitait la faute à « une violation de la règle du jeu » ou à « un manquement à la loyauté de la pratique » (ex: brutalité volontaire, comportement déloyal, maladresse caractérisée): la victime devait ainsi établir que le risque était «anormal» pour pouvoir engager la responsabilité de l'auteur du dommage. Pour autant, certains auteurs veulent aller plus loin et appliquer la loi du 5 juillet 1985 aux accidents entre pratiquants de sports mécaniques.