L’assuré renversé par le voleur de son propre véhicule peut prétendre à un droit à indemnisation de son préjudice en tant que tiers victime.
Le 26 avril 2009, alors qu’ils résidaient dans leur ferme au Portugal, un couple s’aperçoit qu’un homme est en train de dérober le véhicule de l’époux garé dans la cour. Le couple part à sa poursuite à bord du véhicule de l’épouse-conduit par cette dernière- alors que l’époux est passager.
Arrivés à une intersection, le conducteur du véhicule dérobé s’arrête, le couple fait de même à une distance d’environ à 20 mètres de l’autre véhicule .L’époux sort de la voiture. Le conducteur fait alors marche arrière : il percute le véhicule conduit par l’épouse et renverse l’époux. De plus, il avance et recule à nouveau pour trainer l’époux sur une distance d’environ 8 mètres…La victime subit plusieurs fractures et de multiples traumatismes.
La police d’assurance prévoyait une responsabilité civile couvrant les dommages matériels et corporels causés à des tiers…mais la compagnie d’assurance refuse d’indemniser la victime en indiquant que son contrat exclut « tous les dommages causés au preneur d’assurance ».
La victime intente auprès du tribunal national compétent une action visant à obtenir par son assurance une indemnisation à hauteur de 210 641 euros au titre des préjudices patrimoniaux et non patrimoniaux subis. La juridiction le déboute de sa demande au motif que « en vertu de l’article 15, paragraphe 3, du décret-loi no 291/2007, le propriétaire du véhicule était exclu du cercle des bénéficiaires potentiels de l’assurance souscrite. ».
La victime fait appel de cette décision.
La Cour d’appel d’Évora soumet une question préjudicielle à la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) afin de déterminer si le droit européen s’oppose à l’exclusion par le droit national à l’indemnisation de la victime au motif qu’elle était à la fois le preneur d’assurance et le propriétaire du véhicule ayant causé le dommage.
La CJCE, par arrêt du 14 septembre 2017 (C-503/16) statue en faveur de l’indemnisation de la victime qui peut être considérée comme piéton, Tiers victime du dommage causé par son propre véhicule volé.
« La Cour en a déduit que ledit objectif de protection des victimes impose également que la situation juridique de la personne qui était assurée pour la conduite du véhicule, mais qui était passager de ce véhicule au moment de l’accident, soit assimilée à celle de tout autre passager victime de cet accident et que, partant, le fait qu’une personne était assurée pour conduire le véhicule qui a causé ledit accident ne permet pas d’exclure cette personne de la notion de « tiers victime », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive, dès lors qu’elle était passager, et non conducteur, de ce véhicule (arrêt du 1er décembre 2011, Churchill Insurance Company Limited et Evans, C‑442/10, EU:C:2011:799, points 31 et 32).
Par analogie, il convient de considérer que le fait qu’un piéton renversé lors d’un accident de la circulation était le preneur d’assurance et le propriétaire du véhicule ayant causé cet accident ne permet pas d’exclure cette personne de la notion de « tiers victime », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive et de l’article 1er bis de la troisième directive. »
En effet, ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi et que l’a fait valoir à bon droit la Commission, la circonstance que le propriétaire du véhicule concerné et preneur d’assurance n’était pas à bord de celui-ci lors de l’accident, mais s’est fait renverser, en tant que piéton, par ce véhicule, ne saurait justifier un traitement différent, eu égard au même objectif de protection poursuivi par les première à troisième directives, tel que mentionné au point 41 du présent arrêt.»
La Cour répond que les directives européennes visées « doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut de la couverture et, partant, de l’indemnisation par l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs les dommages corporels et matériels subis par un piéton victime d’un accident de la circulation, au seul motif que ce piéton était le preneur d’assurance et le propriétaire du véhicule ayant causé ces dommages. »