Suite à un accident de travail-trajet survenu le 8 avril 2003, la victime a demandé la réparation intégrale de son préjudice. Elle souffre, entre autre, jusqu’à sa consolidation, d’une entorse du rachis cervical l’obligeant au port d’un collier cervical ; d’une blessure à la cheville ayant entrainé une boiterie altérant son apparence physique qui l’oblige à porter un plâtre et à se déplacer à l’aide de cannes anglaises.
Si la victime, en appel, sollicite une indemnisation à hauteur de 16 800 € pour le Déficit Fonctionnel Temporaire et 3500 € pour le préjudice esthétique temporaire, la Cour d’appel d’Aix-en- Provence, par arrêt du 2 décembre 2009 (N° de RG : 08/08757) ne fait pas droit à sa demande. Elle inclut, au contraire, le préjudice esthétique temporaire (PET) dans le préjudice du déficit fonctionnel temporaire (DFT) pour un montant total de 14 000 euros.
Selon les moyens du pourvoi n°10-23378, le DFT tend à indemniser « la gêne dans les actes de la vie courante et en particulier la privation de qualité de vie de la victime » tandis que le PET est destiné à « indemniser la rupture de son apparence physique, de sa gestuelle et de sa démarche, tant au regard des autres que de la victime elle-même ».
Si la nomenclature dite « Dintilhac » prévoit que le poste de préjudice esthétique temporaire est dissocié du DFT, les juges ne sont pas tenus de s’y conformer.
Certaines décisions de cours d’appel statuant sur l’indemnisation de conséquences similaires (utilisation de cannes et port d’un collier cervical) n’ont pas statué favorablement pour indemniser indépendamment le préjudice esthétique temporaire de la victime : ainsi à Orléans, par arrêt du 4 novembre 2008 n° 08/00214, la victime, âgée de 26 ans, obligée de se déplacer avec des cannes anglaises ne caractérise pas l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, ce préjudice est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire. Dans le même sens, la Cour d’appel de Lyon, par une décision du 20 mars 2008 n° 07/01052 décide que le port d'un collier cervical est dans le poste du déficit fonctionnel temporaire.
Si traditionnellement le préjudice esthétique ne prenait en compte que les atteintes définitives au physique de la victime. La nomenclature Dintilhac a initié l’autonomie du « préjudice esthétique temporaire » en 2005. Depuis, un arrêt de principe de la Cour de Cassation du 3 juin 2010 (n°09-15730) a consacré l’autonomie de ce poste.
Et selon la mission d’expertise médicale AREDOC : « Dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire dissociable des souffrances endurées ou des gênes temporaires. Il correspond à « l’altération de [son] apparence physique, certes temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers. » Il convient alors d’en décrire la nature, la localisation, l’étendue et l’intensité et d’en déterminer la durée. »
Par arrêt du 4 février 2016, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle une fois de plus l’autonomie du préjudice esthétique temporaire qui doit être évalué et indemnisé séparément du DFT: « le préjudice esthétique temporaire n’est pas inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire et doit être indemnisé séparément, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés » (l’article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime).
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