La perte de chance d'éviter le dommage est un préjudice autonome du préjudice moral d’impréparation qui doit être indemnisé, même si la patiente souffrait de maladies congénitales non diagnostiquées...
2017-07-06
Le 5 janvier 2004, un médecin généraliste pratique un traitement par sclérothérapie (traitement ciblé des varices par injections intraveineuses) sur une patiente âgée de 45 ans car cette dernière souffrait de varices depuis 1990.
Le 6 janvier 2004, elle est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) dont elle conserve des séquelles graves (invalidité à 80% et Incapacité Permanente Partielle de 65%). Elle ne peut plus exercer sa profession de chirurgien-dentiste.
Après deux expertises réalisées en 2006 et 2007 , à la demande de la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux et d’un expert neurologue, un avis de la CRCI est rendu le 10 juillet 2007. Il évoque, à l'encontre du docteur, un défaut d'information tout en considérant qu'il n'est pas à l'origine d'une perte de chance eu égard au caractère exceptionnel et imprévisible du risque qui n'aurait pas fait renoncer la victime aux soins réalisés ( la victime souffrait de 2 malformations congénitales non diagnostiquées).
Suite à cet avis, l'Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) indemnise par protocoles la victime à hauteur d'un montant de 2 436 936.88 €.
L’ONIAM, subrogée dans les droits de la victime en vertu de l’article L1142-17 du code de la santé publique , assigne le médecin et son assureur afin d’être remboursé de la somme versée.
En 2014, le Tribunal de grande instance déboute l’ONIAM qui interjette appel de ce jugement.
Par arrêt du 25 mai 2016 n°14/02377, la Cour d’appel de Riom déboute à nouveau l’ONIAM de ces demandes :
"pour rejeter les demandes de l’ONIAM fondées sur le défaut d’information, l’arrêt retient qu’en l’absence de caractère d’urgence du traitement par sclérothérapie, la perte de chance subie par Mme X... s’analyse, à la suite de la réalisation du risque lié à la survenue d’un accident vasculaire cérébral, en un préjudice moral lié au défaut de préparation psychologique aux risques encourus et au ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle et que ce préjudice moral n’a pas été indemnisé dans le cadre des protocoles d’accord signés entre l’ONIAM et Mme X... "
Par arrêt du 22 juin 2017 n°16-21141, La Haute juridiction casse la décision de la Cour d’appel :
« Vu les articles L. 1111-2, L. 1142-1 et L. 1142-17 du code de la santé publique ;
(...)
Qu’en statuant ainsi, alors que la perte de chance d’éviter le dommage, consécutive à la réalisation d’un risque dont le patient aurait dû être informé, constitue un préjudice distinct du préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences de ce risque et consiste, dès lors que son existence est retenue par les juges du fond, en une fraction des différents chefs de préjudice déterminée en mesurant la chance perdue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE »
En vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, la victime doit être indemnisée de sa perte de chance d’éviter le dommage consécutive à la réalisation d’un risque dont elle aurait dû être informée ainsi que du préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences de ce risque.
Image: commons.wikimedia.org
Auteur: Nini00